Mohamed Mbougar Sarr, prix Goncourt 2021 pour La plus secrète histoire des hommes était l’invité de l’université populaire de Sarcelles le 9 juin 2022. L’occasion d’un photoreportage en observation participante, comme disent les sociologues¹.
Remarqué déjà pour De purs hommes (éd. Philippe Rey|Jimsaan, 2018), Mohamed Mbougar Sarr a obtenu le prix Goncourt 2021 pour son roman La plus secrète histoire des hommes, publié la même année chez le même éditeur. Ce trentenaire, né au Sénégal, s’est d’abord engagé dans des études supérieures de littérature en France après une brillante scolarité dans son pays d’origine. En cours de thèse, il a définitivement obliqué de l’analyse littéraire à la littérature elle-même : l’exégète s’est fait acteur.
D’une recherche universitaire initiale sur Yambo Ouologuem, un écrivain malien qui reçut le prix Renaudot en 1968 puis fut ensuite accusé de plagiat, Mohamed Mbougar Sarr a emprunté des chemins de traverse pour élaborer un roman par enchâssements sur un auteur imaginé né avant 1914, dont la quête est l’obsession du héros, un écrivain, africain d’origine lui aussi, comme il se doit dans cette mise en abymes (le pluriel ici s’impose).

C’est le maire de Sarcelles, Patrick Haddad, qui a animé les échanges lors de l’intervention à l’université populaire de Sarcelles.
Mais l’auditorium du conservatoire n’était point le lieu d’une conférence convenue. L’éditeur Philippe Rey avait sélectionné une trentaine de mots, évidemment significatifs, dans le roman même de Mohamed Mbougar Sarr.
Dans un exercice oulipien, quand on y songe, une dizaine de ces mots furent successivement tirés au sort, puis lus par des participants, comme une interpellation à l’auteur. S’il fut question — quelle évidence ! — du roman et de son objet, apparaissait, au-delà de l’apparence de l’histoire ou de l’histoire apparente, l’interrogation première de l’auteur — le vrai, pas l’un des personnages romanesques fictifs : « Écrire ou ne pas écrire ? ». Il ne s’agissait pas simplement d’une formulation shakespearienne, somme tout, car pointait derrière l’alternative qui taraude Sarr : «la tentation du silence».
D’un ouvrage qui traite d’accusations de plagiat, Sarr évoqua ainsi le fait qu’on ne peut être toujours original, mais qu’« on est toujours singulier ». Renversement analogue dans le jeu qui permet à la fiction d’exprimer la vérité par l’illusion qui renvoie au « mentir vrai » que revendiquait déjà Malraux. S’il invita résolument à ne pas comparer les tragiques, mais à « les penser ensemble », Mohamed Mbougar Sarr souligna in fine qu’ «un écrivain n’écrit pas pour être aimé, même par les siens. C’est entre lui et lui», précisa-t-il. Et de préciser, ce qui fut sa conclusion et sera la nôtre : «Ce qui importe, c’est de continuer à écrire, et que les gens lisent». Et j’ajouterai: Lisez donc La plus secrète histoire des hommes. Même sans quitter votre chez-vous, vous effectuerez un extraordinaire voyage !
Précisions photographiques. — Boîtier Canon EOS M50 mk II. Objectifs : EF-M 55-200mm f/4.5-6.3 IS STM ; EF-M 22mm f/2 STM. Couverture du prix Goncourt 2021 reprise sur le site de l’éditeur.
¹ Ce texte est la reprise, légèrement adaptée, de l’article rédigé pour la sympathique revue du photoclub historique de Sarcelles, le club Belles Images.