Cascade automobile en deux actes

Il y a des journées, comme ça, où tout dérape… pas forcément à ce point, mais quand même…

«Épave», photo Agnies Zka/Pixabay.com, licence de contenu Pixabay.

On prévoit sa journée : matin, salle de sport; après-midi, note de lecture à finaliser et édition de photos. Las (comme on l’écrivait encore au dix-neuvième siècle), les plans les mieux établis sont tributaires des impondérables d’une déroutante réalité.

Premier acte

De retour de la salle de sport, une trottinette électrique — alors même que j’avais veillé à ce qu’aucune piéton ne s’apprêtât à traverser le passage protégé — se précipita de toute sa vitesse et sans visibilité contre mon véhicule. La trottinette, avant que d’entamer un mouvement perpendiculaire qui la projeta avec son imprudent pilote un peu plus loin, fut déviée de mon aile par mon rétroviseur promu au rang de pare-choc mais, pour ainsi dire, au prix à titre posthume car il ne s’en remit pas.

Je m’arrêtai pour porter l’assistance nécessaire au trottinettiste (aurai-je hapaxé?), passé plus vite que prévu de la position verticale à la position horizontale. Dans son cas, plus de peur que de mal; son véhicule était en état de marche. Le fautif s’en tirait somme toute mieux que moi.

«C’est de ma faute» s’exclama-t-il avant que je n’exprimasse mon courroux — car j’imaginai immédiatement ce qu’il serait advenu d’un piéton, voire d’un enfant, heurté à ma place. ma voiture résista: le pare-choc. «C’est de sa faute» crièrent successivement les quatre ou cinq témoins présents. «C’est de ma faute», répéta le trottinettiste suicidaire avant de filer droit devant, me laissant dans une perpendiculaire emmurée entre le trottoir et la voie du tramway. Je n’étais pas à plus de deux ou trois cents mètres de mon domicile.

D’après «paulbr75»/Pixabay, licence de contenu Pixabay.com.

Second acte

En début d’après-midi, je m’enquis de trouver un garage Renault/Dacia (j’avais une ou deux bricoles à faire voir, dont une antenne à remplacer pour cause de vandalisme). L’ayant trouvé, j’y menai le véhicule «pour voir». Je repartis donc, décidant d’aller un peu plus loin dans un magasin de surgelés bien connu pour me rafraîchir les idées.

Arrivé sur le parking, laissant le moteur tourner, je rappelai une correspondante qui m’avait laissé un message urgent (les affaires tournent, parfois plus que les moteurs, me direz-vous). C’est alors qu’il y eut comme des vibrations incongrues alors que le tableau de bord afficha soudainement en rouge éclatant un des indicateurs. Orange, ce n’est pas bon; rouge, c’est l’arrêt immédiat pour éviter tout risque de casse moteur : pour qui n’a lui-même qu’un rapport éloigné à la mécanique, un puissant moteur pour s’abstenir de relancer le sien).

Il seyait dont de faire remorquer la voiture. Une chance: je venais d’en trouver un (une deuxième chance: grâce à cet appel, je ne me suis pas trouvé immobilisé avec deux sacs de surgelés, tout bien considéré). Ayant contacté mon efficace assureur militant, un dépanneur véloce mais motorisé parvint jusqu’à moi une vingtaine de minutes avant l’horaire indicatif mentionné (en quoi Inter Mutuelles Assistance n’est pas une filiale de la SNCF par les temps qui courent).

Retour au garage plus tôt que prévu et pour plus que prévu. Le tout était d’y pouvoir remiser ma voiture en attendant que le diagnostic fût posé et que les travaux se fissent sans impair. La direction (du garage, pas de la voiture) s’était fort obligeamment proposée de m’attendre, même après l’heure de fermeture. Quid de l’incident? Mystère pour l’instant. De son coût ? encore plus.

Redevenu marcheur sans avoir viré macroniste pour autant, et en tant que piéton, tributaire des transports en commun entre Saint-Brice-sous-Forêt et Sarcelles-Plage, j’eus la chance d’attraper — mais pas par le rétroviseur — un premier bus jusqu’à la gare de Sarcelles–Saint-Brice, puis de là, après avoir parcouru le passage souterrain qui permet de passer d’une ville à l’autre, je vis arriver avec plaisir ce cher autobus 133 qui me rapprocha de chez moi (et à tout prendre, on y craint moins que sur feu la ligne U de la TCRP, actuelle ligne 83 de la RATP).

Éloignant mon regard de mon propre nombril pour considérer le vaste monde — sans évoquer même les afflictions provoquées par les terribles crises, catastrophes et autres massacres qu’il subit —, je pensai plus près de nous aux inondés du Pas-de-Calais, à ces gens très modestes qui avaient perdu à la fois leur demeure et, peut-être, toute espérance dans l’avenir, victimes d’autant enchaînements de circonstances qui s’étaient conjuguées pour les abattre dans tous les sens du terme.

Mais vrai, je me fusse bien passé de tout cela, qui n’est point encore fini. Demain est un autre jour, qui ne sera pas celui de la promenade en forêt que j’avais imaginée pour la Patrouille. Chienne de vie, me diront-elles en patientant.

Photo L. Bentz, 2023.

On ne peut rien, mes belles, contre les impondérables et des évènements qui en découlent ! Plus que d’autres, l’automobiliste est à leur remorque, non?

Image «Antranias»/Pixabay, licence de contenu Pixabay.com.